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Mon histoire
--> Chap. II

Quelle folie ! J'allais rencontrer en chair et en os un homme dont je ne connais même pas le nom ni l'éducation ! Quelle énorme risque ! Quelle inconscience !

 

Mais, autant poussée par la curiosité que par le goût du défi, je monte dans le train à destination de la cote ensoleillée et inconnue.

Je n'ai pas un sou en poche, juste une adresse et un nom à donner au réceptionniste d'un hôtel tout aussi hypothétique que la rencontre à venir. Je ne parle pas un mot de la langue locale.

C'est un week-end de trois jours, merci le 8 mai !

Une fois à la gare d'arrivée, je me mets à la recherche d'un taxi voulant bien me déposer à l'hôtel. Arrivée à l'hôtel, il faut maintenant que je décline mon identité afin de tenir enfin dans mes mains, le sésame vers le calme et la sécurité d'un lieu clos, inconnu mais clos, donc rassurant.

-         "Bonjour Madame ! je peux vous aider ?" (à croire que ma nationalité était écrite sur mon front en toute lettre)

-         "Bonjour… euhhh.. chambre réservée… euhh.. nom… euh attendez… euh ah oui "Le Blanche !" annonçais-je triomphalement, fière d'avoir retrouvé le nom de mon bel inconnu sans farfouiller dans mon petit sac à main.

 

Ouf ! ça va ! pas d'enquête plus poussée : clés, étage, N° de chambre, tout y est ! En quelques minutes, je suis à l'abris. Mais à l'abris de quoi ? ou plutôt de qui ?

 

Je suis apparemment en avance. Direction la salle de bain pour le refaire une petite beauté, dans la mesure du possible car avec mes 81 kilos pour mon mètre cinquante cinq de haut, c'est plus palliatif que réellement esthétique. Trente minutes plus tard, jupe, maquillage, pause lascive sur le canapé, tout est prêt cette fois.

Bruit de clenche, la porte s'ouvre… moment de panique, comment réagir ? pour pallier à mon ignorance, je feint de dormir sur le convertible, les cheveux négligemment en arrière. Je le sens plus proche, il me regarde j'en suis certaine. Que peut-il se dire ? "oh mon dieu, quelle erreur !" ou "elle est tellement pas intéressée qu'elle s'est endormie" ou "elle ne savait pas quoi faire alors elle fait semblant de dormir, pas bête !" ça je ne le saurai jamais. Il se contente d'un "Bonjour" et d'un bisou sur les lèvres, comme on l'avait parié lors de nos discussions virtuelles.

Première approche difficile, on sort de la chambre aseptisée et on s'aventure à l'extérieur : maintenant on y est, on va quand même profiter de cette ville cosmopolite et accueillante !

Visite de la ville en bus, à pied, restaurants (en tant qu'invitée évidemment je n'ai pas un rond), dégustation de tapas et sangria arrosé de martini bianco pour oublier le malaise face à cet inconnu qui n'en ai déjà plus vraiment un.

 

Au bout de deux jours de proximité et, d'une certaine manière, pour pallier à un manque cruel de discussion consistante, nous nous sommes rapprochés d'avantage physiquement (à vous de comprendre ce qu'il y a à comprendre !). Pour la première fois je me sentais désirée… pour la première fois je me laissais aller et montrais mon corps disgracieux à quelqu'un. Pudiquement tout de même !

 

A la fin de cette incursion en pays latin (?), je doit rentrer le lundi pour être rentrée le mardi.

Valise prête et des doutes plein la tête, je prends un taxi de l'hotel à la gare. Il ne m'accompagne pas, il partira demain par avion.

 

Bon, je suis à la gare. Par où faut-il aller ? J'essaie de demander mon chemin à un guichet et là, contrairement à tout ce qu'on a pu me dire sur la capitale espagnole, personne ne comprend un mot de français ! Panique à bord !

A droite, à gauche ? allé : à gauche, à tout hasard ! Le train arrive, je monte et la locomotive redémarre. Je m'assois, je regarde les gens tout autour de moi : curieusement, pas un français dans le compartiment… pour un train à destination de Montpellier, c'est plutôt étonnant non ? re-panique ! mon Dieu, ce n'est pas le bon train ! comment vais-je faire ? comment retrouver mon chemin ?

En désespoir de cause, je pleure à chaudes larmes : dans quel guêpier me suis-je mise ?

Les contrôleurs arrivent, comment leur expliquer que je dois rentrer à Montpellier, que je viens de Barcelone, que mon billet n'est pas le bon pour ce train, que je veux retrouver mon nouvel amour ! au bout de quelques minutes laborieuse, une hôtesse me sauve la mise : elle comprend le français et m'explique que le train s'arrêtera bientôt dans une petite gare et que je pourrais y faire demi-tour. Retour à la case départ, la honte en plus. Je retrouve pour quelques heures mon bel inconnu qui ne l'est plus et j'appelle mes parents pour dire que j'aurai un peu de retard. Pareil pour le bureau et l'école – quoique je ne me souviens pas d'avoir prévenu cette dernière de mon infortune.

Faux départ donc et vrai satisfaction de revenir dans un lieu devenu maintenant moins hostile. Lui est amusé de mes péripéties et, pour me consoler, m'invite à déguster un dernier verre avant le nouveau départ du lendemain.

 

Nouveau et bon départ cette fois. Retour à Montpellier. Début des factures de téléphone monstrueuses et des allés/retours Montpellier/Paris. Heureusement que j'ai moins de 25 ans et que j'ai une petite paie (50% du SMIC de l'époque, soit environ 2600 francs). Avec ça, je finance mes frais d'essence, de voyages, de téléphone, sans oublier le remboursement d'un prêt fait pour mes vacances d'hiver de l'année passée… bref, je ne roule pas sur l'or mais je me débrouille plutôt bien coté gestion.

 

Tous les soirs ou presque, nous nous engageons dans de longues discussions, monocordes soit, mais discussions tout de même. Il faut bien compter entre une et deux heures quotidiennes : il est ma soupape de sécurité, mon exutoire. Il a du mérite, il a pris le parti de m'écouter sans juger ni répondre, au point que parfois je raccroche alors qu'il s'est endormi au bout du fil.

 

L'examen de mon BTS approche à grand pas mais mon état psychologique du moment, autant dire désastreux, ne me permettra pas de m'y présenter. Je baisse les bras, je ne me sens pas capable d'affronter les autres élèves, les profs, la pression, le boulot. Je lâche tout : école buissonnière, absentéisme au bureau, virées solitaires en voitures pour ne plus réfléchir, penser aux parents incompréhensifs, aux professeurs incompétents, aux obligations professionnelles…

Je signe une décharge pour l'école, je ne me présenterai pas aux épreuves. Premier grand échec de ma courte vie. Honte et soulagement se mêlent. Je n'en parle à personne. Au moment de l'annonce résultats, j'annonce simplement que je n'ai pas obtenu le fameux sésame.

Ecrit par amarieopk, le Mardi 17 Juin 2003, 13:02 dans la rubrique "Mon histoire".